La joie de Dieu

La joie de Dieu

 Jean 15 9-17

 

Toute la Bible nous parle de l’amour de Dieu. Déjà à sa création Dieu a voulu un vis-à-vis pour avoir une vraie relation avec lui. Construire, nous dirions en humains, une relation de couple en quelque sorte. Et puis ensuite son amour s’est manifesté avec Abraham auquel il a donné une descendance comme il lui avait promis. Et plus tard avec Moïse il s’est penché sur ce peuple qu’il voulait aimer particulièrement en l’aidant à se libérer et à atteindre un pays « ruisselant de lait et de miel » pour le lui offrir. Et nous pourrions continuer avec tout l’amour qu’il a offert à ce peuple en acceptant un roi, alors que Lui, Dieu, devait être leur seul roi. L’amour du pardon à David après sa lourde faute, et même l’amour pour ces rois qui le reniaient, en envoyant des messagers, les prophètes,  pour les prévenir qu’ils se fourvoyaient et se jetaient dans la gueule du loup : assyriens ou égyptiens ou encore Babyloniens. Je pense vraiment que c’est ainsi qu’il faut lire l’AT.

Et puis comme tout cela n’avait servi à rien, Dieu a décidé d’envoyer un ultime messager de son amour : son propre Fils Jésus-Christ.

Durant son passage de quelques années sur notre terre JC a sans cesse revendiqué cette filiation et cet amour de Dieu : « de même que j’ai gardé les commandements de mon Père » (v10). C’est ainsi qu’il a guéri des malades, a accueilli la femme adultère,  n’a pas rejeté les bannis qu’étaient les lépreux ou la femme qui lui versa un parfum de grand prix, ni même ce collaborateur de Zachée qui travaillait pour l’ennemi romain.

Alors, avant de partir,  en manifestant une dernière fois son amour des hommes par sa mort sur la croix, son dernier message sera de léguer à ses disciples cet amour de Dieu pour les hommes, et de leur enjoindre de le vivre à leur tour. Ils l’ont suivi pendant 3 ans, ils devraient avoir compris ce que cela signifie…

Ce texte est bien ce que nous appelons dans la bible « le discours d’adieu » et dans notre vie nous parlerions d’un testament ou « dernières volontés » de quelqu’un qui va mourir. Parce que Jésus sait qu’il va bientôt mourir.

Mais en lisant ce texte ou « aimer » et « amour » figure 9 fois, je me suis demandée : qu’est-ce qu’’aimer ?

En Français nous n’avons qu’un seul verbe qui fait que nous mélangeons notre passion pour le chocolat et celle pour le conjoint : aimer le chocolat et aimer sa femme ou son mari, est-ce la même chose ?

En anglais déjà il y a 2 verbes différents pour ces 2 situations : like et love.

En grec il y en a 3. Il y a l’eros la passion de 2 êtres l’un pour l’autre, il y a la philia qui exprime l’amitié, la relation spontanée et chaleureuse (de Jésus pour ses disciples par ex), et il y a l’agapé.

Cette façon d’aimer d’agapè, c’est ce que Jésus nous propose aussi dans cette allégorie de la vigne et du vigneron de Jean 15. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé », nous dit-il juste après avoir expliqué que sa vocation était d’être comme un pied de vigne pour les branches, c’est-à-dire de porter de la sève pour aider l’autre à pousser. Et Jésus insiste : je ne suis pas le vigneron, ce n’est pas à moi de tailler la vigne, mais à Dieu lui-même, et à Dieu seul. Ma vocation, nous dit-il, et donc la vôtre en vous aimant mutuellement d’agapè, c’est une mission plus simple : c’est simplement d’offrir un peu de sève pour que l’autre puisse se développer. C’est un petit geste, peut-être, une petite parole, voire seulement une petite prière. Ainsi à  chacune et à chacun de nous, Jésus confie :  « Ce que j’ai de plus cher au monde, c’est toi.  Garde-moi dans ta vie! Sois fécond, s’il te plaît, et demeure uni(e)à moi. »

 

Jésus, nous propose d’aimer ainsi. D’aimer d’agapè. Cela n’a rien de sentimental, ni d’ordre affectif : c’est plutôt se décider librement pour quelqu’un, le prendre en charge et le sauvegarder coûte que coûte. Aimer c’est n’attendre aucune compensation, mais consentir à tout sacrifice pour l’autre, gratuitement. C’est donc beaucoup plus un service concret qu’une aspiration de l’âme.

Et si nous nous interrogeons encore sur le sens de ce verbe aimer, relisons la 1° épitre de Paul  aux Corinthiens, le chapitre 13 : l’amour prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil…il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa JOIE dans la vérité, il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne disparaît jamais ….(v4 ; 6 ; 7et 8)

 

Et ce qui me frappe c’est que cet amour agapé est relié dans notre texte avec le mot « commandement », et ce dès le verset 10 lorsque Jésus parle de sa relation avec le père.   Pourquoi ?

Parce que justement ce dernier type d’amour n’est pas spontané, n’est pas naturel, ne vient pas vraiment de nous-mêmes.    Il faut le vouloir et sentir que Dieu nous y pousse, nous pousse vers l’autre que nous n’avons pas forcément envie d’aimer,  qui nous rebute même peut-être, qui nous a fait du mal éventuellement, et que nous laisserions volontiers sur le côté de notre route.

« Aimer » d’agapè est bien l’ultime « commandement » de Jésus, de fait le SEUL commandement !

Aimer – de l’amour agapé  dont parle ici Jésus –  cela n’est pas un élan spontané du cœur,  qu’il suffirait d’attendre  béatement. C’est une décision, un positionnement, qui mobilise mon intelligence + ma volonté, encore plus que mon cœur, et qui me demande parfois de passer par dessus ma sensibilité.

Aimer, c’est choisir d’aller vers ceux que je ne trouve pas aimables. C’est choisir de tenir à ce que Jésus demande lui-même : faire preuve d’un véritable amour qui se manifeste par des actes.

Aimer, c’est un exercice.  Ne détruire personne, autant qu’il m’est possible. Ne pas haïr, ne pas juger…construire la paix, autant qu’il m’est possible. Ce qui me paraît bon et que je peux faire, je le  fais. Ce qui m’échappe, je le supporte. C’est aussi : choisir de me relever quand on m’a fait souffrir ; ne pas en rajouter, ne pas exagérer, ne pas me laisser envahir par mes peurs ; m’éveiller à un élan nouveau…  pour ne  pas en rester à la haine. Pour laisser le passé être le passé.  Me relier au présent, voir l’autre comme il est, et non comme je me l’imagine ou que je voudrais qu’il soit.

L’Agapé, c’est simple, c’est concret, c’est efficace. Et en fait c’est à notre portée, sauf circonstances exceptionnelles. Nous sommes disciples de Jésus, êtres humains faits à l’image de Dieu, nous avons donc en nous-mêmes cette  capacité à aimer, même ce qui est hostile.  Eh bien, essayons ces gestes simples avec nos proches, avec ceux qui nous sont confiés pour que nous les aimions,    avec ceux que nous évitons parce qu’ils nous ont fait du mal. Et si nous avons failli dans la journée à ce commandement de l’agapè (car cela nous arrive bien sûr à tous), que le soleil ne se couche pas sans que nous ayons prié pour notre ennemi du jour, et demandé à Dieu de nous aider à avancer.

Et rappelons-nous aussi que puisque Dieu nous pousse à le faire, il nous en donnera la force et fera également jaillir en nous un sentiment que nous ne croyons pas pouvoir éprouver. Imaginons alors ce que serait notre société si cette attitude se généralisait : belle utopie d’une société de paix, d’harmonie et de confiance… une société à l’image de Dieu !

C’est pourquoi Jésus laisse cet ultime message à ses disciples. Il a lui-même répandu autant d’amour qu’il le pouvait pendant ses 3 ans de ministère, il en a habillé ses disciples pour qu’à leur tour ils rayonnent de son amour, et il les charge de continuer son œuvre.

 

Mais nous ne pouvons vivre l’agapé que parce que nous nous savons aimés. Et c’est vrai pour tout amour.

Un enfant délaissé, abandonné par les siens aura malheureusement une grande probabilité de « mal tourner » comme dit la presse en relatant les méfaits des délinquants. Au contraire un enfant choyé saura à son tour aimer.

C’est donc de cet amour de Dieu pour nous que nous devons être complètement convaincus pour pouvoir à notre tour le distribuer autour de nous, sans réserve, sans crainte, sans a priori.

Et pourquoi le faire ? Pourquoi se fatiguer à aller vers les autres ?

Eh bien que dit le centre de ce texte ?

La JOIE !

Car c’est dans notre bonne relation avec  l’autre, quel qu’il soit, que réside le secret de notre bonheur, et on ne peut être heureux sans plaire à Dieu. Alors écoutons la Parole de ce jour et travaillons à un renversement de nos attitudes d’indifférence, voire même d’hostilité qui préside trop souvent à nos relations avec les autres.

Dieu est Souffle de vie, cœur de notre cœur. Il est centre de ce qui est au plus intime de nous : une communion, un échange…Tout comme la sève qui circule du cep aux sarments et du sarment aux fruits. Il nous offre une vie d’union, une cascade d’amour, qui passe de l’un à l’autre : du Père vers le Fils, du Fils vers nous et des hommes à leur propre liberté…Dieu nous aime… il  attend dans l’espoir que chacun lui dise : « oui, je viens…que ma vie s’unisse à la tienne ».

 

C’est  en envisageant une perspective d’agapé entre tous les humains que Jésus parle alors de joie. Une telle attitude de la part des hommes comblera Dieu de joie et le remplira de bonheur.

Oui aimer d’agapé c’est la porte ouverte à la Joie de Dieu, la joie que Dieu ressent lorsque nous nous comportons comme ses enfants, et la Joie qu’il nous transmet en retour. Plus nous nous ouvrirons à notre prochain, plus Dieu sera heureux et plus heureux serons-nous à notre tour !

Vivons donc la JOIE de Dieu.   Osons choisir l’espérance, conscients à la fois de nos limites bien réelles et des malheurs des hommes. Oui, osons rendre nos vies plus ouvertes et plus fécondes. D’une vie jaillissante et généreuse, animée par la certitude que la vie que Dieu offre est celle de la JOIE que donne l’amour choisi.

Amen

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