ELIE – 1 ROIS 17 v 8 à 16 + Marc 12 v 41 – 44
La semaine dernière notre pasteur nous a lu 2 textes mettant en scène de pauvres veuves. Sa prédication a porté presque exclusivement sur celle relatée par Marc qui donne ses 2 petites pièces dans le tronc. Alors je lui ai demandé si une prédication sur l’autre texte lui paraissait une bonne idée. Avec son accord nous allons donc aujourd’hui nous intéresser à la veuve de Sarepta et Elie. J’ai le sentiment que ce texte annonce l’autre, car effectivement l’ancien testament a été réellement, selon moi, le précurseur du N.T. et parle du même Dieu qui prend soin des petits.
Comme à la télévision nous allons résumer les épisodes précédents :
Vous vous souvenez que le pays a subi une scission dramatique pour le peuple élu, après la mort de Salomon fils de David : entre le Sud Juda et le Nord Israël (en gros la Samarie du temps de Jésus). Mais il n’y a qu’une Jérusalem, qu’un Temple et qu’une arche de l’alliance (au Sud). Le Nord reçoit donc des critiques constantes des prophètes. Dans le chapitre 17, Elie est en conflit avec le roi Akhab du royaume du Nord (9° s avtJC). Le plus grand reproche qu’il lui fait est d’avoir entraîné le peuple dans des célébrations contraires à la Loi. Il a bâti des sanctuaires en Samarie au Baal de Tyr et à Ashéra, la déesse des Cananéens, par faiblesse sans doute, face à sa femme Jézabel, forte personnalité et fille du roi-prêtre de Tyr. Elie intervient donc et annonce à Akhab la punition qui l’attend : une sécheresse qui durera 3 ans.
Dans la région cananéenne, Baal est présenté comme le dieu de l’orage, donc de la pluie et de la fertilité. L’absence de pluie et de rosée sera moins une punition de l’impiété d’Israël qu’un SIGNE du Seigneur, une démonstration que c’est Lui et non le Baal qui dispense la pluie nécessaire à la végétation et donc à la vie.
Le récit du chap 17 s’ouvre donc sur la sécheresse du pays causée par la malédiction d’Elie qui se retire alors, loin d’Akhab. Là il vit un temps de retraite, caché au bord d’un torrent ; il attend un nouvel ordre. Il ne peut rien faire, il ne peut que se rendre disponible.
Dieu lui assure la subsistance en pain et viande. Mais le texte ajoute que la sécheresse était si forte que même le torrent fut à sec. Dieu est donc obligé d’intervenir pour maintenir son serviteur en vie. Il lui faut quitter Israël, lieu de son défi. Il doit être épargné de la famine, le Seigneur veut le protéger, car il doit continuer à vivre pour témoigner.
C’est là que commence notre texte : du prophète qui s’était dressé d’égal à égal face au roi, Dieu a fait un homme vagabond errant, SDF, faible parmi les plus faibles.
Inexistante dans la 1° scène avec Akhab, la parole de Dieu ne cesse ensuite d’intervenir, et le voilà qui investit le prophète pour aller révéler la bonté de Dieu aux petits.
V 9 Le Seigneur cherche à lancer Elie dans l’action « Lève toi, Va à Sarepta… »
Le Seigneur s’adresse à lui et l’envoie vers le Nord (actuel Liban).
Ce texte, écrit pendant l’exil à Babylone, illustre déjà le ministère universel d’Elie : il est invité à sortir en territoire païen. Notons que SAREPTA est situé dans le territoire du père de Jézabel, cad de gens honorant Baal. Voyage à haut risque donc !
Elie obéit, exécute ce que le Seigneur lui a commandé, sans discuter, sans même chercher à comprendre.
L’objectif, dans ce 2° épisode, est de montrer un sens de la justice, un sens des pauvres, des petits et des humbles, auquel l’époque d’Akhab n’était pas habituée, à l’époque de Jésus non plus d’ailleurs, et la nôtre pas plus malheureusement.
A l’entrée de la ville, il croise une veuve. Aujourd’hui sans doute moins (encore que ?), mais alors, comme encore au temps de Jésus dans le texte de Marc, une veuve était mise au ban de la société, sans ressource, sans regard des autres. Elles et leurs orphelins ne pouvaient souvent vivre que d’aumônes ; or en période de famine celles-ci devaient être plutôt maigres.
Comme très souvent dans la bible la rencontre avec la veuve se fait près d’un puits pour obtenir à boire « Va me chercher un peu d’eau… »
Puis Elie demande du pain. Mais dans les deux cas il attend…
C’est l’interpellation de la veuve qui le pousse à agir, provoque son action, déjà à propos de la farine et l’huile, puis dans la suite du chapitre à propos de son fils. Il semble en effet exiger d’elle la limite de ce qu’elle peut donner : l’abandon de ses dernières ressources en huile et farine pour un dernier petit pain avant de mourir de faim.
La 1° séquence illustrait le manque de nourriture pour Elie, cette fois ce manque (donc risque de mort) s’applique à Elie, mais aussi à la veuve et son fils.
Et, curieusement, le personnage de la veuve est celui qui semble le mieux mis en valeur. Elle ramassait du bois (attitude dynamique), elle apporte de l’eau, elle répond…
Elle, la Phénicienne, ne rejette pas Elie comme un importun ; et pourtant c’est un étranger, probablement dans un triste état après son séjour d’exilé au bord d’un torrent sec et sa marche dans le désert. Et il la met dans une situation impossible en demandant à être servi de pain le premier. Alors elle se justifie de manière très convaincante ; elle ne sait ni qui est Elie, ni quels sont ses pouvoirs. Il lui promet, mais elle n’a a priori aucune raison de lui faire confiance.
Elie en quelque sorte veut lui signifier que c’est Dieu qui doit être servi le premier. Mais elle ne connaît pas le Seigneur, le dieu d’Israël.
Ce texte s’intéresse beaucoup à cette femme, pour nous inviter à la comprendre et à se mettre à sa place. Elle hésite donc, doit-elle nourrir son fils ou cet étranger ? Toute l’attention porte sur elle. Reconnaissons que le discours d’Elie peut lui paraître farfelu, en tous cas incroyable.
Et cette femme, très active malgré sa situation, va ainsi devenir bénéficiaire du pouvoir d’Elie. Son acceptation à servir Elie n’était ni facile ni automatique.
Elle accepte, contrairement à toute attente, et ce n’est ni par intérêt ni par crainte (elle n’a plus rien à perdre) mais par charité pure, par adhésion au projet d’Elie.
Il est vrai que les plus démunis partagent le plus volontiers, nous l’avons souvent remarqué en Afrique. Ceux qui n’ont rien du tout le partagent encore. Et l’actualité nous a montré combien dans le malheur les populations deviennent solidaires à l’occasion des grandes crues de la Seine et de la Marne.
Mais là, on est dans une situation de détresse extrême, avec une femme qui reste néanmoins vivante et dynamique.
Elle va et fait selon la parole d’Elie (v15).
Cette petite phrase veut montrer la puissance de la Parole de Dieu, par l’intermédiaire de son prophète (le texte souligne bien ce rôle de simple intermédiaire). Elle veut nous montrer que cette parole ne peut se transmettre que par des gens qui disent « Oui« .
Ainsi à l’obéissance d’Elie à l’égard du Seigneur succède celle de la veuve à la parole du prophète.
« Crois que tu l’as reçu avant même de l’avoir reçu » c’est bien là toute l’importance de la Parole. Et ce message vaut pour nous comme pour cette femme.
Le miracle est là, dans cette veuve qui se met à resplendir de charité sur la foi d’une parole : le miracle de la multiplication de la nourriture est finalement moins important que le miracle réalisé par la veuve. C’est elle l’héroïne. D’ailleurs, le miracle lui-même n’est qu’évoqué, comme si cela était évident, sans problème, parce que rien ne résiste à la parole du Seigneur. Oui, souvenons-nous de cela…
Le ravitaillement n’avait été résolu que provisoirement dans la 1° séquence (au bord du torrent), ici il le sera pour longtemps, jusqu’à la pluie.
Ce miracle nous rappelle celui de la manne, et cette fois c’est pour une femme païenne mais confiante en la parole de Dieu. Et pourtant il est rare que les prophètes interviennent dans l’immédiat, le quotidien. Que veut-on nous montrer ? Là encore il s’agit d’illustrer que Dieu intervient dans les choses simples de la vie, dans les domaines CONCRETS du quotidien (auparavant par le manque d’eau, ici dans l’abondance de nourriture). Parce le Seigneur est le Dieu de la VIE, nous ne devons et ne pouvons l’oublier !
Mais nous n’allons pas nous arrêter là. Ceux qui connaissent le texte savent qu’ensuite le fils de cette veuve va se trouver gravement malade (3° épisode). Elle presse donc Elie de faire quelque chose. Après la survie menacée, c’est cette fois la Vie tout court qui l’est. Elle risque de perdre son seul soutien.
Elie est interpellé par la femme, et à son tour il interpelle Dieu au nom de cette femme.
Et la parole d’Elie aussi sera agissante. Dieu ne peut pas rester indifférent. La prière est très forte. Elie prie comme si elle ne pouvait pas ne pas se réaliser. Elie rappelle ce que la veuve a fait de bien pour lui. Et c’est une manière de mettre Dieu en solidarité avec le bien qu’est l’hospitalité d’une veuve.
Et avant même d’avoir reçu la réponse de Dieu il a agi tout en priant. On peut avoir l’impression qu’Elie arrache le miracle par sa prière ardente. Cette séquence nous montre combien l’histoire des hommes est intimement mêlée à celle de Dieu. Car Dieu n’obéit pas à Elie, il l’écoute, il l’exauce. C’était vrai jadis, c’est encore vrai aujourd’hui.
Quant à la veuve, elle ne prend réellement conscience de qui est Dieu que lorsqu’il touche sa vie et sa chair ; car il est probable qu’Elie avait parlé de Dieu et qu’elle le connaissait, intellectuellement. Cette découverte de sa foi se fait par le passage de son fils de la mort à la vie. Et une question me vient qui nous concerne tous : est-ce toujours dans la souffrance qu’on découvre Dieu, quand on est au pied du mur ?
Pour résumer : au 1° verset du chap 17 le défi est lancé au roi, c’est donc du roi qu’Elie attend une réponse de soumission à Dieu. Au dernier verset cette réponse arrive…, mais c’est la veuve de Sarepta qui la prononce. 2 mondes sont donc opposés, qui définissent l’ambiguïté où se trouve Elie : celui du roi et donc du pouvoir, et celui de la veuve et de la fragilité humaine.
2 mondes opposés c’est aussi ce qu’illustrait l’évangile de Marc : d’un côté les scribes qui déambulent en grands effets de robe en se pavanant pour bien se faire voir, et les riches qui donnent ostensiblement beaucoup d’argent pour le Temple,
Et de l’autre, cette modeste veuve qui discrètement, glisse ses 2 sous dans le tronc.
Et Jésus réaffirme cette vérité que l’A.T. avait déjà énoncée : sa priorité, son souci des petits, des faibles et des opprimés, et leur grandeur aux yeux de Dieu.
Car la veuve a donné malgré sa pauvreté. Bien que pauvre, elle avait quelque chose à donner à Dieu. Ce jour-là, elle a su faire pour Dieu une folie : donner à Dieu sa dernière assurance, s’en remettre à Dieu pour l’avenir, et pour le pain d’aujourd’hui. Elle a accepté de manquer, pour que Dieu, dans sa vie, soit le premier servi. Elle a su affronter le risque de manquer, comme la veuve de Sarepta, qui a sacrifié pour Élie sa dernière poignée de farine. Elle n’a pas eu peur de sa pauvreté, ni devant Dieu ni devant les hommes. Sa foi toute simple et droite lui disait que Dieu l’aimait telle qu’elle était, qu’elle n’avait pas à devenir riche pour pouvoir donner.
Elle a ainsi donné aux disciples et à nous tous une bonne leçon de confiance : savoir s’en remettre à Dieu pour aujourd’hui et pour demain ; lui offrir le peu que l’on a, le peu que l’on est, et prier pour l’avenir.
AMEN