Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu..
Culte du dimanche 22 octobre 2017 à Saint Raphaël
Lectures bibliques :
Esaïe 45, 5 et 6 :
« 5 Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre, Hors moi il n’y a point de Dieu; Je t’ai ceint, avant que tu me connusses.
6 C’est afin que l’on sache, du soleil levant au soleil couchant, Que hors moi il n’y a point de Dieu: Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre…»
Matthieu 22, 15 à 21 :
«15 Alors les pharisiens allèrent se consulter sur les moyens de surprendre Jésus par ses propres paroles.
16 Ils envoyèrent auprès de lui leurs disciples avec les hérodiens, qui dirent: Maître, nous savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu selon la vérité, sans t’inquiéter de personne, car tu ne regardes pas à l’apparence des hommes.
17 Dis-nous donc ce qu’il t’en semble: est-il permis, ou non, de payer le tribut à César?
18 Jésus, connaissant leur méchanceté, répondit: Pourquoi me tentez-vous, hypocrites?
19 Montrez-moi la monnaie avec laquelle on paie le tribut. Et ils lui présentèrent un denier.
20 Il leur demanda: De qui sont cette effigie et cette inscription?
21 De César, lui répondirent-ils. Alors il leur dit: Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu..»
Psaume 96 :
« 1 Chantez à l’Éternel un cantique nouveau! Chantez à l’Éternel, vous tous, habitants de la terre!
2 Chantez à l’Éternel, bénissez son nom, Annoncez de jour en jour son salut!
3 Racontez parmi les nations sa gloire, Parmi tous les peuples ses merveilles!
4 Car l’Éternel est grand et très digne de louange, Il est redoutable par-dessus tous les dieux;
5 Car tous les dieux des peuples sont des idoles, Et l’Éternel a fait les cieux.
6 La splendeur et la magnificence sont devant sa face, La gloire et la majesté sont dans son sanctuaire.
7 Familles des peuples, rendez à l’Éternel, Rendez à l’Éternel gloire et honneur!
8 Rendez à l’Éternel gloire pour son nom! Apportez des offrandes, et entrez dans ses parvis!
9 Prosternez-vous devant l’Éternel avec des ornements sacrés. Tremblez devant lui, vous tous, habitants de la terre!
10 Dites parmi les nations: L’Éternel règne; Aussi le monde est ferme, il ne chancelle pas; L’Éternel juge les peuples avec droiture.
11 Que les cieux se réjouissent, et que la terre soit dans l’allégresse, Que la mer retentisse avec tout ce qu’elle contient,
12 Que la campagne s’égaie avec tout ce qu’elle renferme, Que tous les arbres des forêts poussent des cris de joie,
13 Devant l’Éternel! Car il vient, Car il vient pour juger la terre; Il jugera le monde avec justice, Et les peuples selon sa fidélité. »
Il y a trois passage dans l’Evangile du jour qui me posent quelques problèmes et m’interpellent.
Le premier, ce sont ces Pharisiens, leurs disciples et les Hérodiens, avec leur volonté de surprendre Jésus, de lui tendre un piège et de tenter de le mettre en porte à faux.
Le deuxième élément est grammatical.
Comment comprendre cette affirmation des Hérodiens qui déclarent de Jésus qu’il enseigne les voix de Dieu sans s’inquièter de personne ?
Et enfin, troisième point, c’est cette fameuse phrase, : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » avec surtout les interprétations élaborées autour de cette réponse de Jésus.
« Alors il leur dit: Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu..»
Qui n’a pas déjà entendu cette phrase ?
Elle est tellement connue qu’elle en est devenue courante et elle est entrée dans le langage commun, au sens de rendez à chacun ce qui lui est dû.
Et bien évidemment, elle a aussi servi à justifier toutes sortes de théories.
Et notamment pour justifier l’existence de deux mondes bien distincts, un monde terrestre et un monde céleste.
Elle a été aussi utilisée pour justifier tous les modes de relations entre les diverses formes de pouvoir politiques, théocratie, dictatures, royautés, démocratie, laïcité et les différents églises et fidèles de Dieu.
Mais la théorie des deux règnes, clairement séparés et distincts me met mal à l’aise et me gène foncièrement.
Ca me chatouille et ça me gratouille selon le questionnement du docteur Knock.
Comprendre cette phrase comme justificative qu’il existe un monde terrestre, actuel, dans lequel nous vivons, ici et maintenant, et qu’il y aura, demain, un monde céleste, inaccessible de notre vivant, mais qui nous est promis pour bientôt, lors de la venue du royaume me pose problème.
Cette séparation complète ne me satisfait pas, même si je sais pertinemment que nous ne vivons pas au paradis.
Mais nous sommes, tous autant que nous sommes, une personne physique , avec une identité unique, avec une personnalité unique, façonnée par nos parents et nos ascendants dans nos gènes, puis construits par nos parcours de vies, avec les épreuves et les joies spécifiques pour chacun et enfin, construits par notre esprit, par nos réflexions et analyses de ce que nous lisons, entendons et vivons dans notre existence.
Toutes ces composantes définissent des lignes de conduites, des modes de vies, des principes, une éthique, une morale propre à chacun.
Comment peut-on imaginer, sur la base de ce constat de l’unicité de chacun et de l’individualité de chaque personne, qu’il puisse exister deux mondes différents, dissociés, un terrestre et l’autre céleste ?
Peut-on imaginer une dualité de la personne avec une personnalité essentiellement matérielle dans un monde terrestre, au quotidien et une entité spirituelle, destinée à un monde céleste à venir ?
C’est dans cette conception sectorisée, duale que le texte me dérange.
Il y a bien entendu une dimension matérielle à prendre en compte dans la vie de tout individu.
Que ce soit dans le cadre d’un couple construisant une famille, où dans le cadre d’une association, d’une commune, d’un département ou d’un état, il y a mutualisation des besoins et donc mise en commun des moyens.
Quel que soit le régime politique, démocratie, royauté où dictature, avec toutes les variantes possibles, la mutualisation des moyens passe par une participation de tout un chacun au fonctionnement de la société.
Cette participation peut être bénévole dans les familles ou les associations cultuelles où culturelles et elle est financière dans les autres entités sociétales.
Elle passe par l’impôt, le paiement d’un dû, d’une dîme portant l’effigie du pouvoir en place du moment.
Sesterces il fut un temps, puis Louis d’or, Francs, Euros où éventuellement Marks, Livres ou Lires selon les pays.
Et j’en oublie plusieurs centaines d’autres.
Toutes ces variétés de monnaies, dans le temps et dans l’espace, soulignent les variétés de régimes politiques, d’une région à l’autre et siècles après siècles.
Cette multiplicité géographiques et temporelles mets en exergue la vacuité et la vanité des institutions humaines.
Il faut donc rendre à César ce qui est à César, mais en mesurant de façon lucide ce que représente César, un épiphénomène, instable dans le temps et passager.
Nous sommes donc naturellement amenés à nous interroger et à nous intéresser à la deuxième partie de cette phrase.
Portion congrue, naturellement minorée car nettement moins adaptée à la manipulation et à la trituration humaine pour lui faire dire ce qui sert les intérêts d’un pouvoir terrestre.
« Alors il leur dit: Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu..»
Là est l’interrogation profonde, là est le besoin d’approfondir notre réflexion, en toute lucidité.
Finalement, qu’est-ce qui est à Dieu et que nous devrions lui rendre ?
Le psaume 96 nous offre de magnifiques réponses.
« ….. Chantez à l’Éternel, vous tous, habitants de la terre!
…. Racontez parmi les nations sa gloire, Parmi tous les peuples ………….
…..Familles des peuples, rendez à l’Éternel.
……Tremblez devant lui, vous tous, habitants de la terre! »
Ces portion de texte nous affirme que la souveraineté du Seigneur est universelle et qu’elle s’adresse à toutes les nations de la terre.
Ce psaume nous affirme que la souveraineté du Seigneur est unique, au dessus de tout.
« Il est redoutable par-dessus tous les dieux; »
De même, le passage d’Esaïe nous en redit une antienne.
« 5 Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre, Hors moi il n’y a point de Dieu; …….
6 C’est afin que l’on sache, du soleil levant au soleil couchant, Que hors moi il n’y a point de Dieu: Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre…»
Il nous faut donc comprendre et méditer ce « Rendez à Dieu…. » à la lumière de tout le message biblique.
En référence à l’effigie de l’empereur sur la monnaie, la Genèse nous dit :
Genèse 1, 27 : « Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. »
Ce qui nous indique que notre créateur à gravé sa propre effigie sur sa créature.
Le parallèle entre les deux images est frappante et cette référence à l’effigie nous rappelle que le domaine de Dieu, c’est l’homme, dans toutes ses composantes.
Nous lui devons tout en fait , et l’apôtre Paul l’affirme dans le livre des Actes 17, 28 : « car en lui nous avons la vie, le mouvement, et l’être. »
Le domaine de Dieu ne se limite pas au seul salut de l’homme, laissant la gestion du quotidien aux autorités en place.
Ce que nous devons rendre à Dieu ne se limite pas à une pratique religieuse, à un devoir hebdomadaire au cours d’un culte, en réservant le reste du temps à des devoirs civiques rendus au pouvoir en place.
Non pas César et Dieu, côte à côte, mais Dieu bien au dessus de César.
Lequel devra lui aussi rendre des comptes à Dieu.
Non, le domaine de Dieu, c’est l’homme dans toutes ses composantes, dans sa vie sociale, dans ses relations aux autres.
La volonté de Dieu doit régir toutes les relations humaines.
Cette deuxième partie de la phrase de Jésus nous interpelle donc encore aujourd’hui.
Avons-nous donc rendu à Dieu ce qui lui revient ?
Où nous sommes nous contentés de l’avoir adoré pendant notre culte ?
Par cette phrase, Jésus nous amène à nous questionner sur notre pratique quotidienne.
Que faisons-nous ?
Comment vivons-nous pour montrer, concrètement, que la volonté souveraine de Dieu soit restaurée en tout être humain, à l’image de son créateur ?
Comment revendiquons-nous pour tous la liberté et la dignité d’enfants de Dieu ?
« Rendez à Dieu ce qui est à Dieu..»
Cette phrase est finalement vraiment révolutionnaire.
C’est l’affirmation du droit de Dieu sur nos vies, une revendication subversive contre tout ce qui, dans nos société, tend à altérer, voire détruire l’image de Dieu qui réside en tout homme.
Une revendication à combattre tout ce qui avilie, tout ce qui aliène, tout ce qui opprime les individus ou les groupes sociaux.
Les droits de Dieu sont lésés quand les droits des hommes sont lésés.
C’est donc sur cette finale que porte tout le poids de la réplique de Jésus.
Rendre à César ce qui lui est dû, c’est aussi savoir contester César et lui résister quant il n’est plus le garant d’une justice équitable.
Rendre à Dieu ce qui lui est dû, c’est construire nos vies en harmonie avec sa Parole et ses enseignements.
Venons-en maintenant aux deux autres points qui me gratouillent.
Les Pharisiens, leurs disciples et les Hérodiens se consultent sur les moyens de surprendre Jésus.
Comment pouvons-nous comprendre cette volonté de pièger, de mettre en porte à faux Jésus ?
Incontestablement parce que Jésus dérange.
Jésus bouscule les interprétations de la Loi, Jésus dérange les schémas établis, les visons étriquées et formatées, les habitudes depuis si longtemps établies qu’elles en sont devenues des certitudes.
Jésus ne raisonne plus dans un rapport de l’homme envers l’autorité de la Loi de Dieu, mais dans un rapport de l’homme face à Dieu.
De fait, il affaiblit le pouvoir des institutions religieuses et de leurs représentants, responsables de la lecture de la Loi, de son interprétation et du respect de son application par tout un chacun.
Cette inversion des priorités, non pas les hommes face à la Loi, mais ce qui est bon pour les hommes face à Dieu, est ressentie comme une altération du pouvoir des institutions religieuses et une remise en cause de celui-ci.
C’est bêtement une mesquinerie humaine voulant préserver son pré carré qui motive les Pharisiens, et non pas un prétendu argumentaire sur la préséance entre pouvoir terrestre et céleste.
Quant au troisième point, il suggère que Jésus enseigne sans s’inquiéter de personne.
Deux interprétations sont possibles.
La première est que jésus ne s’intéresse à personne, qu’il ne se préoccupe de personne.
Il est bien évident que cette lecture de la phrase est erronée.
Dans une lecture globale du message biblique et plus particulièrement des Evangiles, tout au contraire, Jésus s’inquiète toujours des hommes.
L’amour du prochain est le moteur de ses actions.
Tout, dans ses actes, conduit à la libération de l’homme, le libérer de ses chaînes, de ses peurs, et de ses esclavages.
La deuxième interprétation possible est totalement opposée.
Jésus enseigne les voies de Dieu sans s’inquiéter de personne peut être entendue comme Jésus enseigne sans se laisser influencer par quiconque.
Cette lecture par contre est certitude et vérité.
Jésus enseigne non pas à l’aune des lectures et des interprétations construites au fil des temps par les représentants d’institutions religieuses humaines, mais il en renouvelle l’interprétation à l’aune de l’Amour que porte le Père à sa créature, à l’aune de ce qui libère l’homme de tous ses enfermements et de ce qui fonde la liberté des enfants de Dieu.
En discernant l’important de l’accessoire, en distinguant tout ce qui fait du bien par rapport à tout ce qui est insignifiant, il enseigne tout ce qui restitue à l’homme sa dignité de fils de Dieu.
Voilà donc développés les trois points qui me gênaient dans ce passage de l’évangile.
Comment en tirer maintenant une conclusion ?
En forme de clin d’œil à Martin Luther, rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est crier « A Dieu seul la gloire », c’est vivre avec « la foi seule » en Dieu, c’est crier que « Seule l’écriture » est référence dans nos vies, mais aussi que nous étudions par nous même, sans l’intermédiaire d’institutions religieuses, la Parole de Dieu, directement en lien avec notre Père.
Amen