Saint- RAPHAEL 5 février 2017
Matthieu 5 v 13 à 16 (après les Béatitudes)
Le texte de ce jour suit immédiatement les Béatitudes : « Heureux les pauvres de coeur … heureux les doux… etc » Il forme ce que l’on appelle le Sermon sur la montagne, puisque Jésus à la vue des foules monta dans la montagne, sans doute pour trouver un peu de calme. Ce discours semble en effet s’adresser en priorité aux disciples : « il les enseignait » (5,2) Et c’est après le cri de ces béatitudes qui résonne comme une prédication, que nous recevons un appel et une promesse faite aux disciples, sous la forme d’affirmations sur le sel et la lumière. Aujourd’hui nous nous contenterons de la lumière.
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Le premier point que je voudrais rappeler est que la lumière vient de Dieu.
Evidemment direz-vous, nous avons tous en mémoire le 3° verset de notre bible : Genèse 1 v3 « et Dieu dit : que la lumière soit ! Et la lumière fut. »
Et le 4° verset : Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière de la ténèbre.
Nous pouvons cependant nous interroger sur l’origine de la lumière que Dieu créé dès le 1° jour.
En effet les astres = le soleil, la lune, les étoiles ne sont pas encore là ; ils n’arriveront que bien plus tard, au 4° jour, après la séparation des eaux d’en bas d’avec les eaux d’en haut (création du ciel et de la terre), puis celle des continents et mers, puis la verdure, les arbres, les fruits… tout cela pour la terre.
C’est donc seulement après s’être occupé de la terre, que Dieu s’occupe du ciel !
D’où vient donc cette lumière que Dieu créé … sinon de Dieu lui-même ?
La lumière est à la fois source de joie et de chaleur. Sans lumière l’homme ne peut pas vivre. Or le projet de Dieu est bien de créer un vis-à-vis qui lui ressemble ; aussi dès le départ il met en place cet élément de vie fondamental pour l’homme qu’est la lumière.
Lumière à prendre au sens propre bien sûr, parce que nous ne sommes pas des taupes et ne saurions vivre dans le noir, et nous en avons bien besoin les jours de grisaille comme aujourd’hui,
Mais à prendre aussi au sens figuré que représente la lumière de la Vérité, la lumière de la révélation.
Dans tout l’A.T. la lumière est assimilée à Dieu, à sa Parole et sa révélation : la lumière de mes pas, la lampe de ma route, c’est ainsi qu’est qualifiée la Parole de Dieu dans le Psaume 119 entre autres. Dieu se tourne vers l’homme, et la lumière de Sa face lui procure tous les biens, joie et paix (Ps 4).
Et le Messie, dit Isaïe, apportera la lumière tout en étant lui-même lumière et salut à venir.
C’est cette lumière de Dieu que célèbrent les juifs lors de la fête Hanoukka, fête des lumières, rappelant le retour de Yahvé dans le temple reconstruit de Jérusalem = victoire des Maccabées sur la volonté d’assimilation grecque. Car la lumière de Dieu est bien la seule lumière de VIE !
La lumière est liée à la vie, elle est protection, et dans la bible, dans Job, les Psaumes ou Isaïe, elle est la protection divine, mais aussi la joie, le bonheur. La lumière est donc un élément fondamental du salut messianique.
La lumière est également le vêtement de Dieu (buisson ardent, transfiguration !), sa gloire jette un éclat lumineux. Elle est donc un symbole de sa présence. Cette présence de Dieu qui pourrait nous éblouir si nous la regardions en face (souvenez-vous de Moïse qui se cache) ; comme toute lumière trop forte, elle est aveuglante. Mais, reçue en bénédiction, elle est apaisante. Car nous arrivons à notre 2° point :
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Nous recevons la lumière
Nous avons il y a peu vécu le retour de la lumière avec cette fête de Noël qui reste dans nos cœurs comme un moment fort de l’année, avec les guirlandes partout, la ville et nos maisons illuminées dans la joie.
Et nous chrétiens avons reçu la naissance du Christ comme une lumière nouvelle dans nos vies, cette étoile qui a guidé les mages jusqu’à une étable misérable. Cette étoile qui surplombe le petit enfant né là-bas et qui va devenir cette lumière du monde, espérance des juifs depuis des milliers d’années d’un Messie si fermement attendu.
La lumière de Dieu nous a été donnée à Noël avec la naissance de son Fils, venu apporter la lumière du Père aux hommes de bonne volonté.
La lumière de Dieu a été ainsi répandue sur terre sur les chemins de Palestine au cours des pérégrinations de Jésus homme-Dieu. Elle a aussi inondé les disciples, et pas seulement lors de la transfiguration (lumière plus aveuglante qu’éclairante). Elle a éclairé l’aveugle-né de Jean 9, mais aussi tous les malades guéris (Matt en signale de nombreux au chap 4).
Oui le Christ est la Lumière par excellence (dans l’évangile de Jean notamment), il est la lumière du monde (Jn 8,12 ; 9,5), titre qu’Il porte comme un nom propre.
Alors nous aurions pu nous attendre dans ce texte à lire, comme dans l’évangile de Jean, « Je suis la lumière du monde » dans la bouche de Jésus.
Mais non, le texte dit bien VOUS êtes la lumière du monde.
Vous ?
Vous tous ?
Moi aussi comme chacun de nous ici et ailleurs ???
Grosse question ! Car notre monde nous semble tellement obscur ces dernières années que nous ne savons plus comment nous diriger, où aller, comment y aller …
Mais Oui. Ces mots sont pour nous ce matin, nous tous disciples du Christ réunis dans ce temple ! Et remarquez bien qu’il s’agit d’une 2° personne du pluriel. C’est tous ensemble que nous sommes la lumière du monde, pas tous seuls.
Remarquons que Jésus ne dit pas « vous serez » la lumière, il n’évoque pas un futur, un avenir auquel nous ne pourrions accéder qu’après avoir réalisé telle ou telle condition. Il ne dit pas « vous serez la lumière si », si vous faites ceci, si vous accomplissez cela.
Non, aucune condition n’est exigée.
Il n’emploie pas non plus l’impératif : « Soyez ! » comme un ordre donné à ceux qui veulent le suivre.
Jésus emploie bien le PRESENT : aujourd’hui vous êtes la lumière du monde !
Attention (un peu d’humour) ! Jésus ne dit pas « vous êtes des lumières » ! Les modestes pêcheurs recrutés au lac de Tibériade le savent bien. Et nous aussi : nous ne pouvons que recevoir la lumière de Dieu et la faire briller suffisamment dans nos yeux pour que nos contemporains la reçoivent à leur tour.
Il ne dit pas non plus que nous détenons la seule vérité et devons l’imposer aux autres !
Quand il dit « Vous êtes la lumière du monde », Le Christ s’adresse à ses disciples, et nous appelle nous aussi pour nous dire qui nous sommes maintenant, et non pas ce que nous devons faire. Car le Christ annonce la Grâce et non pas la Loi.
Mais Jésus n’est pas naïf : il révèle seulement à l’homme ses possibilités. A lui de les exploiter …
Aussi Jésus rappelle aux disciples qu’ils sont sur une hauteur, pos seulement parce qu’ils sont sur une montagne, mais parce que Jésus lui-même les a élevés avec lui. C’est ainsi que je comprends l’image de la ville sur une montagne et qui ne peut pas être cachée.
Il leur enjoint, et ces paroles nous sont également adressées, « ne vous cachez pas ! Avec ce que je vous ai donné, toute la lumière que vous avez reçue, ce n’est pas possible, vous devez briller pour les autres. »
Car cette lumière venue du Christ ne vous appartient pas, elle est pour tous les hommes.
Par contre, c’est à vous désormais de briller pour que les autres voient.
Dieu a allumé la lampe de votre vie, de notre vie, de notre cœur, de notre foi.
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Nous devons la transmettre pour éclairer le monde
Car ce n’est pas pour que nous la gardions secrètement pour nous, mais bien pour que nous brillons pour nos contemporains. Briller déjà pour toute notre maisonnée, mais aussi pour tous ceux que nous rencontrons, au travail ou dans nos activités extra-professionnelles.
Quand vous répandez la lumière autour de vous, vous jetez en quelque sorte un manteau de Dieu sur vos interlocuteurs = ils reçoivent Dieu et c’est Lui qui les éclairera.
Jésus s’adresse donc à vous,
– vous qui reconnaissez en Jésus celui qui lui parle au nom de Dieu et qui lui fait entendre sa parole,
– vous qui savez que Dieu se range du côté des faibles contre les forts, du côté des opprimés contre les oppresseurs,
– vous, qui savez déjà que Dieu ne veut pas conduire le monde, vers plus de justice et plus de paix si vous ne mettez pas la main à la pâte.
Quand vous vous investissez au service des autres et que vous considérez les autres comme vos frères, vous faites resplendir autour de vous un éclat de la lumière divine. Quand vous recevez de la bouche de Jésus les directives qui vont orienter vos actions, c’est comme si vous vous étiez approprié un peu de la lumière de Dieu qui est en lui et que celle-ci se trouve réfléchie dans vos actions.
Antoine Nouis disait à propos de la foi : Devant un don je peux me comporter comme un enfant gâté et profiter paisiblement de ce que j’ai reçu ; mais je peux aussi entendre ce qu’il implique : il appelle de ma part une conversion (un changement) de toute mon existence.
Mais qu’est-ce que la foi ? Sinon cette lumière qui nous vient de Dieu ?
Oui, la foi, c’est ce que Dieu suscite en nous. C’est ce supplément de vie qu’il nous donne pour qu’elle ne reste pas enfermée dans les limites de nos habitudes. La foi est ce qui fait déborder la vie du croyant, c’est ce que l’Eternel injecte en nous, pour que nous soyons plus grands que notre corps, plus grands que notre histoire personnelle, et même plus grands que nos rêves. La foi, c’est ce que Dieu injecte en nous pour nous donner le goût de l’au-delà, le goût du Royaume !
La foi, c’est ce qui nous pousse à l’action, c’est ce qui nous relève quand nous sommes tombés, ce qui nous met en marche et nous fait avancer : un pas de plus en direction des autres. La foi est un élan qui nous pousse vers l’extérieur. Elle conduit à l’effervescence, pas à la platitude.
Une lumière qui serait cachée sous un boisseau ne serait plus une lumière, de même que la foi qui servirait à se tenir à distance du monde, à nous isoler pour nous protéger ne serait plus la foi.
La foi nous expose au grand jour, dans tous les sens du terme. Elle nous fait agir au cœur du monde, montrant ainsi la passion des croyants pour le monde, pour tout ce qui concerne le monde, ce monde que Dieu nous a confié. La foi besogne, la foi nous fait retrousser les manches, elle nous ouvre à notre environnement ; et les traces que nous laissons signalent combien les croyants sont des êtres passionnés par leur entourage, s’impliquant personnellement dans les affaires de la cité pour se mettre au service de toute la communauté humaine. Des Henri Dunant, Albert Schweitzer, John Bost ou des personnes plus modestes comme le pasteur d’Ankadivory qui a créé le Centre d’accueil pour enfants des rues à Madagascar (centre que soutient Varymad), tous ces gens là nous inspirent un grand respect : c’est que nous sentons bien que leur dévouement est la conséquence naturelle d’un élan divin, d’une lumière venue de Dieu qu’ils n’ont pas cherché à garder pour eux-mêmes.
A notre mesure, dans notre contexte particulier, nous sommes invités à faire de même. Alors tous pourront admirer, au travers de ce que nous ferons et accomplirons au service de nos prochains, la foi dont nous sommes animés et, tous, selon le mot de Jésus, pourront glorifier notre Père qui est dans les cieux.
Que chacun se souvienne désormais que Jésus nous a dit « Vous êtes la lumière du monde », alors, même s’il fait gris comme aujourd’hui, brillons pour les autres de tous les feux de notre foi.
Amen